Face à des impacts sanitaires et environnementaux de mieux en mieux documentés, la France – via notamment le plan Ecophyto – et l’Union Européenne se sont fixées il y a quelques années des objectifs ambitieux pour réduire l’utilisation de pesticides.
Pourtant, celle-ci continue d’augmenter significativement depuis 10 ans en France, alors même qu’il est techniquement possible de réduire de manière importante le recours aux pesticides.
Comment expliquer cet échec ? Dans quelle mesure les flux financiers ont-ils un rôle à jouer dans le changement ou le maintien de systèmes agricoles très utilisateurs de pesticides ?
C’est ce que nous avons tenté de comprendre via notre nouvelle recherche menée pour le compte de la Fondation Nicolas Hulot publiée ce jour.
Premier constat, dans un contexte de dualisation de l’agriculture, la hausse de l’utilisation des pesticides est en grande partie liée à une minorité d’exploitations (9%) – principalement en grandes cultures, dont le nombre et les surfaces exploitées sont en croissance.
Au niveau des flux financiers ensuite, notre analyse montre que les mécanismes de soutiens publics et de financements privés ne suivent pas la demande sociétale croissante pour des produits alimentaires sans pesticides : en 2018 seuls 11% des financements publics affichent une intention plus ou moins directe sur la réduction de l’utilisation des pesticides, soit 2,7 milliards d’euros sur les 23,2 milliards d’euros versés aux acteurs du système alimentaire (parmi eux, les budgets du plan Ecophyto – principal outil public de la réduction des pesticides – ne représentent que 0,3% de l’ensemble des soutiens publics). Finalement, moins de 1% du montant total des soutiens publics produit un effet a posteriori. Quant aux financements privés accessibles aux acteurs agricoles et agroalimentaires, ils restent rivés aux signaux de marché et n’intègrent quasiment aucun critère de durabilité.
Pour changer la donne, la FNH recommande d’une part de responsabiliser les acteurs des filières via l’instauration d’un bonus-malus progressif fondé sur le principe « pollueur-payeur », d’autre part d’orienter la PAC vers la protection de la biodiversité (plus de moyens pour la bio, paiements pour services environnementaux, financements massifs de projets alimentaires territoriaux).
Pour aller plus loin :
- Le rapport de recherche : Étude des financements publics et privés liés à l’utilisation agricole de pesticides en France
- La synthèse de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme : Réduction des pesticides en France, pourquoi un tel échec ?
- La vidéo qui résume les principaux résultats : Pourquoi est-il si difficile de sortir des #pesticides ?
Dans la presse :
- Le Monde – Agriculture : les financements publics entretiennent la dépendance aux pesticides
- Les Echos – Pourquoi la France a du mal à réduire l’utilisation des pesticides
- Le Parisien – Pesticides : la France en consomme toujours plus
- La Croix – Hausse de l’usage des pesticides en France, à qui la faute ?
- L’Usine Nouvelle – Seuls 1% des financements publics pour l’agriculture auraient un effet sur la réduction de pesticides
- Référence agro – Réduction des pesticides, la FNH appelle à réorienter les financements publics et privés
- Reporterre – L’aide de l’État à l’agriculture privilégie l’usage des pesticides
- Natura Sciences – Pesticides: l’échec du plan Ecophyto du fait d’une « poignée d’exploitations »
- Paris Match – Réduction des pesticides : la Fondation Nicolas-Hulot fustige le manque de moyens
- Huffington Post – Les pesticides explosent en France, déplorent Nicolas Hulot et sa fondation
- Challenge – Baisse des pesticides: les aides publiques pas à la hauteur, selon la Fondation Nicolas Hulot
- Ouest France – Pesticides. Un rapport juge les financements publics trop faibles, le gouvernement réagit
- L’info durable – Pesticides: des financements publics trop faibles pour réduire leur usage
- 20 Minutes – Pesticides : Nicolas Hulot dénonce-t-il à tort l’utilisation accrue des produits phytosanitaires ? Non !
- Reporterre – Bataille de chiffres pour discréditer le rapport sur les pesticides de la Fondation Nicolas Hulot
- L’Obs – Rapport sur les pesticides : la Fondation Hulot a-t-elle répandu des fake news ?
A la radio, à la télé :
- Quotidien (TMC) du 09/02/2021 – Invité: Nicolas Hulot tire le bilan des 30 ans de sa Fondation
- France 2 (JT 20h du 09/02/2021) – reportage sur le rapport de la FNH et la difficile conversion en bio (33′-35′)
- France 3 (19-20 du 09/02/2021) – Agriculture : des dysfonctionnements dans l’attribution des aides pour se passer des pesticides ?
- BFM TV / RMC – Nicolas Hulot face à Jean-Jacques Bourdin en direct
- France Inter (La Terre au Carré) – Il était une fois les pesticides et les aides publiques
- France Inter – Les agriculteurs français pas assez accompagnés pour sortir des pesticides, selon la FNH
- France Info – Réduction des pesticides en France : seul 1% des financements publics est réellement efficace, selon la Fondation Nicolas Hulot
- Europe 1 – Pourquoi la France ne parvient-elle pas à réduire son usage des pesticides ?
Derrière le code-barres : des inégalités en chaîne
Au cours des dernières décennies, les chaînes d’approvisionnement agricoles se sont mondialisées et sont devenues étroitement coordonnées par un petit nombre de groupes agroalimentaires et d’enseignes de grande distribution qui font le lien entre des millions de producteurs agricoles et une population de consommateurs en constante augmentation.
Dans ce contexte, nous avons réalisé pour Oxfam International un travail de recherche sur la répartition de la valeur – depuis les agriculteurs jusqu’aux consommateurs – d’un panier de produits alimentaires commercialisés par les grands distributeurs internationaux et sur les changements nécessaires pour garantir aux producteurs et aux travailleurs un niveau de vie durable.
Ses principaux résultats sont :
- les premières estimations quantitatives de la découpe de valeur sur les 20 dernières années pour 7 pays consommateurs (Etats-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Afrique du Sud, Thaïlande et Indonésie) et pour 12 produits alimentaires (café, thé, cacao, riz, crevettes, thon, jus d’orange, banane, raisin, haricot vert, tomate et avocat) provenant de 16 pays producteurs.
- une évaluation pour chaque produit de l’écart entre le revenu/salaire réel que touchent les petits producteurs/travailleurs et le revenu/salaire qui leur serait nécessaire pour atteindre des conditions de vie décentes.
- une analyse de ces estimations à la lumière des relations de pouvoir, de l’organisation et de la gouvernance des chaînes de valeur associées.
Il apporte de nouvelles preuves que les conditions socio-économiques des petits agriculteurs et des travailleurs se sont dégradées au cours des vingt dernières années, principalement au profit des supermarchés et, dans une moindre mesure des grandes marques et intermédiaires de la chaîne, et qu’elles se détérioreront probablement davantage dans les années à venir si les tendances actuelles se prolongent. Un point de non-retour pourrait ainsi être atteint, où la viabilité même des agriculteurs familiaux serait remise en cause et la précarisation des travailleurs atteindrait un paroxysme. Les droits de millions de personnes ainsi que la préservation de l’environnement sont susceptibles d’être mises en jeu.
Nos recherches ont également porté sur les possibilités de tracer un avenir différent, dans lequel les petits producteurs et les travailleurs peuvent parvenir à vivre décemment de leur travail et à faire valoir leurs droits. Nous avons notamment analysé les mécanismes et processus pouvant apporter des solutions face à la situation actuelle via :
- l’instauration de prix minimum pour les produits agricoles et de salaires minimum adéquats ;
- l’accroissement du pouvoir de négociation des agriculteurs et des travailleurs, en particulier des femmes ;
- le changement des modes de redistribution de la valeur le long des chaînes alimentaires.
Pour télécharger les rapports publiés par Oxfam (en anglais sauf le focus sur la France) :
- Résumé Exécutif
- Rapport Complet
- Note Méthodologique
- Focus sur le Royaume-Uni (Oxfam GB)
- Focus sur les Pays-Bas (Oxfam Novib)
- Focus sur l’Allemagne (Oxfam Deutschland)
- Focus sur les Etats-Unis (Oxfam America)
- Rapport sectoriel sur les crevettes
Dans les médias en France :
- 20 minutes : « Grande distribution: Oxfam dénonce des inégalités à la chaîne entre agriculteurs du Sud et supermarchés du Nord »
- France Info : « Les supermarchés sont de plus en plus riches alors que les paysans ont de plus en plus faim, dénonce Oxfam »
- Le Monde : « Alimentation : derrière les codes-barres, Oxfam dénonce des inégalités à la chaîne »
- L’Obs : « Alimentation : derrière les code-barres, Oxfam dénonce des inégalités à la chaîne »
- Les Inrocks : « Agroalimentaire : les multinationales font toujours plus de bénéfices… aux dépens des agriculteurs »
- La Tribune : « Agroalimentaire : les disparités ne cessent d’augmenter »
- Les Echos : « Oxfam alerte sur des inégalités à la chaîne »
- Le Point : « Oxfam dénonce les pressions de la grande distribution sur le commerce alimentaire»
- La Dépêche : « Alimentaire : les paysans grands perdants »
- La France Agricole : « La distribution dans le collimateur d’Oxfam«
- Ouest France : « Pour Oxfam, les pressions de la grande distribution affament les paysans«
- DNA : « Oxfam dénonce les pressions de la grande distribution«
Ailleurs dans le monde :
- Huffington Post (Royaume-Uni) : “British Supermarkets Are ‘Trapping’ Overseas Farmers In Poverty, Claims Oxfam”
- iNews (Royaume-Uni) : “UK supermarkets leaving farmers ‘in poverty’, according to new Oxfam report”
- Reuters: “UK supermarket squeeze on suppliers fuels poverty and abuse, campaigners say”
- The Baltimore Sun (USA) : “Supermarket giants play role in mistreatment of global food workers, report says”
- Business & Human Rights Resource Centre: “Oxfam scores US and European supermarkets on food supply chains”
- AFP: “Supermarkets must help end ‘brutal conditions’ for farmers: Oxfam”
- Deutsche Welle (Allemagne) : “Oxfam slams German supermarkets over unfair practices”
- Dutch News (Pays Bas) : “Oxfam Novib: Dutch supermarkets shortchange developing-world suppliers”
- Citizen (Afrique du Sud) : “Supermarket chains force farmworkers to endure ‘brutal conditions’ – Oxfam”
- Huffington Post South Africa : “Oxfam Report Reveals Women Are Biggest Victims Of Exploitation By Global Supermarket Industry”
- The Standard (Kenya) : “UK supermarket squeeze on suppliers fuels poverty and abuse, campaigners say”
- Free Malaysia Today (Malaisie) : “Oxfam: Supermarkets must help end ‘brutal conditions’ for farmers”
- Finanzas (Espagne) : “Alimentos: Oxfam denuncia las desigualdades entre productores y supermercados”
- El Mostrator (Chili) : “Walmart y otras cadenas son mal evaluadas en tratamiento a trabajadores”
- AFP : “Oxfam denuncia las desigualdades en el sector agroalimentario entre productores y supermercados”
- Agencia Brasil (Brésil) : “Redes de supermercados contribuem para pobreza no campo, diz estudo”
- Correio Brazilense (Brésil) : “Trabalhador que colhe frutas no Brasil ganha menos que 5% do valor de venda”
L’histoire de Marguerite, ou les impacts sociétaux de la filière lait française
Fin 2013, l’annonce de l’investissement massif de Synutra, géant de l’agroalimentaire chinois, dans une usine de production de lait en Bretagne a relancé le débat sur le « modèle intensif » déjà pointé du doigt à la même époque dans le sillage des premières manifestations des bonnets rouges et du projet de la ferme des 1 000 vaches. Si la future usine, qui pourrait consommer jusqu’à 6% de la production annuelle régionale, est vue par certains comme une bonne nouvelle dans le contexte de la fin des quotas en 2015, d’autres s’inquiètent d’une fuite en avant dans un modèle agro-exportateur qui a érigé la course au prix le plus bas comme norme.
Au-delà des commentaires à chaud des médias et des politiques à chaque nouvelle chute des cours du lait, un questionnement plus systémique nous a semblé nécessaire pour éclairer les débats autour de cette filière majeure pour l’agriculture française : Quelles sont les problématiques clés, sociales comme environnementales, liées au modèle intensif de la filière lait ? Quelles sont les retombées de la concentration observée depuis 50 ans ? Dans quelle mesure ce phénomène joue-t-il sur la pérennité de la filière? Quelles sont les alternatives existantes ? En quoi dessinent-elles un chemin différent ?…
L’animation que nous vous proposons s’appuie sur une méta étude que nous avons réalisée dans le cadre d’une journée sur l’Agroécologie au Sénat l’an dernier (disponible ici), et dont l’objectif est d’apporter quelques éléments de réponses à ces questions.
Cette méta étude consolide les résultats issus de plus d’une centaine de rapports et d’études publiés par les ministères français de l’Agriculture et de l’Ecologie, des centres de recherche (en particulier l’INRA et l’Institut de l’Elevage), des universitaires, d’organisations de la société civile…
Elle ne prétend ni à l’exhaustivité ni à la précision des calculs, mais vise à fournir une vision d’ensemble de la filière lait française et un premier ordre de grandeur de l’ampleur de ses impacts sociaux, sanitaires et environnementaux.