Les cas spécifiques de Total en Angola et Areva au Niger

Grâce à la publication de leurs paiements, les activités de deux grandes entreprises opérant dans deux pays en développement ont pu être passées à la loupe. Le rapport met en lumière des irrégularités inquiétantes, conduisant à des manques à gagner importants pour l’Angola et le Niger, deux pays riches en ressources naturelles.

Laetitia Liebert, Directrice de Sherpa, souligne : « La première déclaration de paiements aux gouvernements de Total a révélé un écart de plus de 100 millions de dollars entre les revenus déclarés par l’Angola en 2015 et ceux déclarés par Total sur son plus gros champ pétrolierLa compagnie pétrolière angolaise aurait-elle détourné une partie de ces revenus ? Total aurait-elle mis en place un prix de transfert ? Pour aller plus loin, il est crucial que l’entreprise divulgue l’ensemble des informations requises afin de comprendre ces irrégularités. »

Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France : « Si l’uranium nigérien représente près de 30 % de la production d’Areva, le Niger perçoit seulement 7 % des versements de l’entreprise aux pays producteurs. Les données montrent que pour une production équivalente, Areva a payé une redevance inférieure en 2015 qu’en 2014, privant ainsi le pays de 15 millions d’euros. Nos données suggèrent également qu’Areva serait parvenue à sous-évaluer ses exportations d’uranium vers la France, lui permettant de ne pas payer jusqu’à 30 millions d’euros d’impôts la même année, soit 18% du budget de la santé du Niger, un pays où l’espérance de vie dépasse à peine 60 ans. Une injustice inacceptable qui priverait le pays de ressources essentielles pour lutter contre la pauvreté et les inégalités ».

Les bonnes pratiques et les limites

Si la publication de ces nouvelles données a été saluée par la société civile, le rapport montre également que des zones d’ombres persistent. Exemples à la clé, le rapport dresse le constat des difficultés rencontrées pour accéder aux données, les comprendre et les analyser. D’une part les informations sont difficiles à trouver et sont publiées dans des formats non exploitables, à savoir en PDF et non en format ouvert. Les informations sont par ailleurs incomplètes : ils manquent par exemple des précisions sur le contexte, sur les activités des entreprises ou sur les définitions des données utilisées ou encore sur la conversion des devises.

« Ce premier exercice de transparence représente une avancée notable, mais de nombreuses failles dans ces déclarations des grandes entreprises françaises ne permettent pas encore de mettre fin à l’opacité du secteur extractif. Il nous faut un meilleur accès aux données, des informations mieux contextualisées et plus complètes afin d’aller au bout de la démarche de transparence. La directive européenne doit être révisée dans ce sens pour pouvoir faire le suivi de l’argent et permettre notamment aux pays les plus pauvres d’augmenter leurs revenus et financer leur développement», souligne Friederike Röder, directrice France de ONE.

Afin de rééquilibrer le rapport de force entre les multinationales et les pays riches en ressources naturelles et ainsi de permettre à ceux-ci et à leur population de réellement bénéficier de l’extraction de ces ressources naturelles, ONE, Oxfam France et Sherpa recommandent à l’Union européenne et à la France d’améliorer les mesures existantes, ce qui renforcerait la transparence dans ce secteur.

 

 

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Notes aux rédactions

[1] Pour garantir plus de transparence dans le secteur extractif, l’Union européenne (UE) a adopté en 2013 deux directives (comptable et transparence) obligeant les entreprises pétrolières, gazières et minières enregistrées et/ou cotées dans l’UE à publier chaque année les paiements effectués au profit des gouvernements dans lesquels elles ont des activités extractives. En décembre 2014, la France transpose alors en droit français ces directives. C’est ainsi que les entreprises extractives françaises ont publié pour la première fois, en 2016, leurs paiements aux gouvernements.

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