« La face cachée du chocolat »

Le marché des produits chocolatés, qui a permis l’émergence d’empires industriels de la transformation de cacao et de la fabrication de chocolat, est aujourd’hui en pleine croissance au niveau mondial. Pourtant, la filière du cacao n’est durable ni pour les producteurs ni pour l’environnement.

Au cours du XXème siècle, la standardisation et la massification de la production de cacao ont créé une asymétrie abyssale entre d’un côté, une poignée de groupes transnationaux qui fournissent la majeure partie du chocolat mondial, et de l’autre des millions de petits producteurs qui ne sont pas en capacité de s’informer sur les évolutions du marché, et encore moins de négocier le prix qu’ils reçoivent pour leur cacao.

Cette pression sur les prix du cacao maintient la majorité des producteurs et de leurs familles sous le seuil de pauvreté. Afin d’augmenter leurs revenus, ces derniers développent des stratégies court-termistes comme l’usage d’intrants chimiques et la déforestation pour augmenter leurs rendements, ou le travail des enfants pour réduire les coûts de main d’œuvre. S’enclenchent alors des cercles vicieux qui piègent les producteurs dans la précarité et alimentent toujours plus les dégradations sociales et environnementales.

En Côte d’Ivoire par exemple, 1er pays producteur avec presque 40% des volumes mondiaux, chaque euro de cacao exporté génère a minima 77 centimes de coûts cachés qui pèsent sur les populations locales. Ces coûts « sociétaux » proviennent principalement de la sous-rémunération des producteurs, du manque d’investissements dans les services locaux essentiels (écoles, centres de soins…), de la lutte contre le travail des enfants et la déforestation etc.

Suite à différentes interpellations, médiatiques ou judiciaires, mais aussi pour mieux gérer leur approvisionnement, les industriels du chocolat ont décidé de répondre aux problèmes de durabilité du cacao en ayant recours à des certifications durables et équitables. À la lecture des différentes études d’impacts conduites ces dernières années sur la filière cacao, notamment en Côte d’Ivoire et au Pérou, ces certifications rencontrent des succès divers.

Hormis une prime marginale à la qualité, les certifications durables ne permettent pas aux producteurs d’améliorer suffisamment leurs revenus. Tous n’arrivent pas à accroitre leurs rendements et pour ceux qui y arrivent, la charge supplémentaire de travail est non négligeable. Même s’il est mieux maîtrisé, l’usage d’intrants chimique ne diminue pas. Enfin, les études disponibles ne permettent pas pour l’instant de démontrer un recul du travail des enfants ou de la déforestation en lien avec les certifications durables. Peu de différences donc avec la culture conventionnelle du cacao.

Le commerce équitable peut améliorer significativement la durabilité de la filière cacao, voire initier des cercles vertueux. On constate ainsi une réduction des coûts sociétaux de 80% au Pérou.

Pour cela, un certain nombre de conditions est nécessaire :

  • la garantie que les revenus des producteurs couvrent leurs coûts de production et les besoins essentiels de leurs familles ;
  • le renforcement des organisations collectives de producteurs ;
  • des investissements conséquents dans les services essentiels et les infrastructures locales.

Les exemples de réussite documentés dans le cadre de cette étude s’appuient également sur deux points importants :

  • l’agroforesterie, qui pérennise la culture de cacao et le couvert forestier tout en préservant la biodiversité ;
  • des chaînes de valeur qui valorisent l’origine du cacao et le travail des producteurs, et renforcent le lien entre ces derniers et les consommateurs.

Dès lors que ces conditions ne sont pas réunies, les résultats sont plus limités et se rapprochent fortement à ceux constatés dans le cadre des certifications durables.

La soutenabilité de la production du cacao passe donc par une action collective et concertée qui, en s’inspirant des principes fondateurs du commerce équitable, permettrait d’étendre les conditions détaillées précédemment à l’ensemble de la filière.

 

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