À la demande de l’Ademe, nous avons mené, en coopération avec la chambre régionale d’agriculture Normandie et l’association Bio en Normandie un diagnostic du système alimentaire de la région, de sa durabilité et de sa résilience.
Ce diagnostic a consisté en une analyse approfondie :
- des différentes composantes (agriculture, transformation, distribution, restauration, consommation) du système alimentaire,
- des flux de denrées associés et de l’articulation des différents maillons entre eux,
- des enjeux de durabilité (climat, biodiversité, ressources en eau, qualité de l’air, des sols, ressources non renouvelables, emplois, revenus, inégalités, conditions de travail, santé, précarité, etc.)
- et des enjeux de résilience.
L’analyse des flux alimentaires a permis de mettre en avant les deux filières clés de la Normandie : celle des grandes cultures et celle du lait.
Source : modélisation BASIC, 2019 sur la base de SITRAM, SAA, PRODCOM, INCA, MAA, INSEE.
Importante productrice de céréales, la région en est également une grande exportatrice. Du fait de la présence des ports de Rouen et du Havre, elle constitue une plaque-tournante pour cette filière : une partie des céréales des régions françaises transitent par la Normandie pour être exportées. Mais la région est également une grande importatrice de céréales, car la qualité de celles qui sont produites sur le territoire ne correspond pas toujours aux besoins des industries agroalimentaires de transformation des céréales.
La production laitière est en revanche transformée sur le territoire. La production de produits laitiers est environ trois fois supérieure en volume à la consommation de la population de la région. Cependant, la quantité de produits laitiers transformés importées par la Normandie est encore plus élevée. La production locale ne répond en effet pas intégralement à la demande des consommatrices et des consommateurs normands.
In fine, l’offre alimentaire de la région est davantage déterminée par la demande extérieure que par celle de ses habitants. Elle est ainsi façonnée par les exigences de ces marchés (avantages comparatifs, compétitivité-prix) souvent associés à des filières commoditisées.
La Normandie fait par ailleurs face à différents impacts environnementaux et socio-économiques liés au fonctionnement de son système alimentaire, lui-même tributaire d’un système alimentaire de plus en plus mondialisé : paysages peu favorables au maintien et au développement de la biodiversité dans certaines zones, dégradation de la qualité des sols et de l’eau, santé humaine (obésité), érosion des emplois, problématiques de revenus des agriculteurs, de maintien du foncier agricole, sans oublier la précarité alimentaire.
Le croisement des résultats de l’analyse du fonctionnement du système alimentaire et de sa durabilité, l’identification des menaces qui pèsent sur ce dernier, ainsi que l’analyse de sa résilience ont permis de mettre en évidence quatre nœuds stratégiques :
- une répartition de la valeur inégale entre les maillons du système alimentaire,
- un tissu agroalimentaire dense mais particulièrement spécialisé,
- une filière grandes cultures spécialisée au cœur des échanges,
- une filière bovin lait emblématique de la région à l’avenir incertain.
Une évolution du système alimentaire vers plus de durabilité et de résilience est possible à condition de se confronter aux principaux nœuds stratégiques du système alimentaire régional qui relient étroitement ses modes de fonctionnement et les principaux enjeux sociaux, sanitaires ou économiques identifiés.
Leur mise en discussion avec des acteurs régionaux issus de divers horizons a permis d’esquisser de premières pistes d’action pour un système alimentaire souhaitable, aussi bien en termes de production, de transformation agroalimentaire et de consommation, que d’actions des pouvoirs publics à différentes échelles.
Photo d’illustration : isamiga76