Questions agricoles, épisode 1 : la logique des prix bas

À l’approche des élections aux chambres d’agriculture et du Salon de l’agriculture, le BASIC ouvre une série d’articles pour mieux comprendre les débats actuels.

Sur son site de campagne pour les élections dans les chambres d’agriculture, la FNSEA dénonce « des décennies de déflation sur le prix des produits agricoles au nom d’une course mortifère au prix toujours plus bas » qui affecte les revenus des agriculteurs et agricultrices.

Source : « 5 graphiques pour comprendre les causes de la crise agricole », Philippe Pointereau, Alternatives économiques.

Les revenus des agriculteurs et agricultrices connaissent de fortes variations depuis 20 ans. Ils ont enregistré en 2023 une chute après avoir connu un pic en 2022. Ils s’inscrivent globalement dans un système fondé sur une logique de pression à la baisse des prix, comme le montre l’étude que nous avons publiée récemment sur le système alimentaire français1.

Dans le cadre de cette étude, nous avons mis en lumière le fait que 92% de la valeur des ventes alimentaires en France correspond à des produits issus de chaînes de valeur2 au sein desquelles les agriculteurs et les agricultrices n’ont aucune marge de manœuvre pour négocier leurs prix. Ils doivent accepter le prix du marché.

Les autres acteurs économiques de ces chaînes de valeur ont à l’inverse des possibilités d’imposer leurs prix. Les industriels qui fabriquent des produits « best-sellers », comme le Nutella ou le beurre Président, sont en position de force lorsqu’il s’agit de négocier avec la grande distribution, qui a besoin de ces marques pour attirer les clients dans ses rayons. Les supermarchés et hypermarchés peuvent quant à eux dicter leurs conditions sur les produits de marque distributeur pour lesquels ils peuvent facilement mettre en concurrence les industriels qui les fournissent.

Tous ces cas reposent sur une même logique de maximisation des volumes et de la valeur :

  • elle conduit d’un côté à transformer les matières premières en des produits standardisés, pour lesquels il est possible de mettre en concurrence une multitude d’agriculteurs et d’agricultrices dans l’incapacité de faire valoir la qualité de leur production au-delà des normes imposées par l’agro-industrie
  • et de l’autre à multiplier les possibilités d’assemblage de ces matières premières pour en faire une variété de produits que le marketing et la publicité rendent spécifiques et attractifs, augmentant le prix que sont prêts à payer les consommateurs et consommatrices pour les acquérir

Bénéfique pour certains industriels et distributeurs, ce système engendre une pression sur les prix agricoles qui explique les faibles revenus de nombreux producteurs et productrices.

Il existe des modèles de chaînes de valeur qui permettent de valoriser différemment les productions agricoles (ils reposent essentiellement sur des labels valorisant l’origine des produits ou la méthode de production – biologique, par exemple), mais ces modèles ne représentent que 8% des ventes de produits alimentaires en France et ne peuvent pas répondre à la logique de maximisation des volumes et de la valeur au cœur du système actuel.

Photo : Bordeaux / Wikimedia Commons.


[1] Ce rapport de recherche a été réalisé dans le cadre d’une étude portée par le Secours Catholique – Caritas France en partenariat avec le Réseau des Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques, « L’Injuste Prix de notre alimentation. Quels coûts pour la société et la planète ? ».

[2] une chaîne de valeur désigne les activités – et les acteurs économiques associés – qui se succèdent depuis la production de matières premières jusqu’à la consommation des produits finis.

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