Les inégalités salariales entre PDG et salarié.e.s dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse
Alors que le gouvernement réfléchit à des propositions pour « mieux partager les richesses en entreprises », Oxfam France publie une nouvelle analyse en deux actes sur la partage des richesses au sein des 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse, dite partage de la valeur.
Le premier volet de cette analyse, publié aujourd’hui et intitulé “Inégalités salariales : aux grandes entreprises les gros écarts”, s’intéresse aux écarts de rémunération entre PDG et salaire moyen dans les 100 premières entreprises françaises cotées en bourse entre 2011 et 2021. Pour compléter l’analyse sur le partage de la valeur, le second volet, qui sera rendu public dans quelques semaines, s’intéressera au poids des versements aux actionnaires.
A la lumière de ces nouveaux chiffres, Oxfam France formule plusieurs recommandations pour réduire l’accroissement des inégalités salariales au sein des grandes entreprises.
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Les chiffres clés
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Partage des richesses au sein des grandes entreprises : la part allouée aux salaires baisse en 10 ans
Alors que, les grandes entreprises n’ont de cesse d’annoncer des records de dividendes versés aux actionnaires et des fortes rémunérations de PDG, qu’en est-il des salarié.e.s des grandes entreprises ? Le constat est sans appel : les inégalités salariales au sein des 100 plus grandes entreprises cotées françaises se sont creusées en plus de 10 ans.
Ainsi, la part dédiée à la rémunération du travail dans la valeur ajoutée est passée de 61 % à 51 %, soit une baisse de 10 points. Cette tendance est également valable pour le CAC 40, avec une part travail qui est passée de 58 % à 48 % de leur valeur ajoutée.
Léa Guérin, chargée de plaidoyer sur la question de la régulation des multinationales à Oxfam : « La baisse de 10 points de la part allouée aux salaires, dans le partage des richesses des grandes entreprises, doit nous alerter. Elle se fait au détriment des bas salaires particulièrement impactés par l’inflation, que nous subissons depuis des mois. Un chèque de 10.000 euros supplémentaires : c’est ce que chaque salarié du CAC 40 aurait dû toucher en moyenne l’an dernier si on avait continué à redistribuer les richesses créées de la même façon qu’il y a 12 ans !»
Des écarts de rémunérations abyssaux
La question des salaires versés dans les grandes entreprises est un levier crucial si on veut réduire les inégalités en leur sein. Or, les écarts de rémunération entre PDG et salarié.e.s sont abyssaux. Entre 2011 et 2021, les 100 plus grosses entreprises françaises ont augmenté la rémunération de leur PDG de 66 %, et seulement de 21 % celle de leurs salarié.e.s. Sur cette même période, le Smic, lui, a augmenté de seulement 14 %. Pour le CAC 40 les PDG ont augmenté leur rémunération de 90 %, leurs salarié.e.s uniquement de 23 %.
Les trois champions des écarts de rémunération
En tête, du podium, Teleperformance, leader mondial des centres d’appels, dont le PDG gagne 1484 fois plus que le ou la salarié.e moyen.ne de l’entreprise. Stellantis, constructeur automobile, qui détient entre autres des marques comme Peugeot, Citroën, Fiat et Opel, se place second avec un écart de 1139. Enfin, le troisième plus grand écart salarial est celui de Dassault Systèmes : l’entreprise éditrice de logiciels rémunère 385 fois plus son dirigeant que son ou sa salarié.e moyen.ne
Pour Léa Guérin d’Oxfam : « Les rémunérations mirobolantes de ces PDG sont devenues complètement hors sol et ne correspondent pas à un hypothétique prix du marché comme on peut parfois l’entendre. Le PDG de Teleperformance, qui emploie un grand nombre de travailleurs et travailleuses précaires dans des call center, gagne près de 1500 fois plus que le salaire moyen de l’entreprise. Mais qui a décidé qu’il valait 1500 fois plus que ses salariés ? »
« Il y a quelques jours, Stellantis a communiqué pour expliquer en quoi la rémunération de Carlos Tavares était justifiée, alors qu’il gagnait en 2021 en 3h22 ce que ses salariés gagnent en un an,. Même les actionnaires avaient voté contre sa rémunération excessive ! Certaines rémunérations indécentes ne se justifient plus et doivent être encadrées.»
Une vision court-termiste incompatible avec la réduction des inégalités
Quand on regarde les rémunérations des PDG de Stellantis, Teleperformance et Dassault Systèmes, qui sont les trois dirigeants les mieux rémunérés, 89 % de leur rémunération est basée sur des critères financiers, et majoritairement court-termiste. Dans ce contexte,c’est l’intérêt des actionnaires qui est privilégié plutôt que l’intérêt de long terme de l’entreprise et de l’ensemble de ses parties prenantes, en premier lieu les salarié.e.s.
Léa Guérin poursuit : « Ce rapport montre concrètement les effets de la financiarisation de l’économie qui conduit à un pilotage court-termiste et qui met de côté les salariés. Pourtant ce sont celles et ceux qui créent les richesses au sein de l’entreprise. Cette vision est tout à fait incompatible avec la nécessaire transformation écologique et le besoin de justice sociale. »*
Une gouvernance des entreprises qui alimente les inégalités salariales
Les inégalités hommes-femmes persistent
En 2021 dans le secteur privé, les femmes gagnaient 24% de moins que les hommes, avec 16% d’écart de salaire à temps de travail égal, et 4% à poste comparable.
En ce qui concerne les grandes entreprises du SBF120, on constate d’abord que les femmes sont largement sous-représentées : moins de 11% des dirigeant-e-s (PDG, président-e de conseil d’administration et directeur-rices général-e) sont des femmes.
Léa Guérin : « Les grandes entreprises françaises demeurent un univers encore très masculin. Rendez-vous compte, on a compté, il y a plus de Jean et de Gilles que de femmes à la tête des 100 plus grandes entreprises françaises cotées ! »
Par ailleurs, les femmes dirigeantes sont également moins bien rémunérées que les hommes : les femmes dirigeantes gagnent en moyenne 36% de moins que les hommes. Les hommes gagnant en moyenne 4,9 millions d’euros par an contre 3,1 millions d’euros pour les femmes.
Carlos Tavares, le directeur exécutif de Stellantis, avec ses plus de 66 millions de rémunération annuelle, gagne chaque année plus que toutes les femmes dirigeantes de grandes entreprises réunies.
Recommandations d’Oxfam France
Revaloriser le travail en favorisant les augmentations de salaires, en commençant par les bas salaires. Limiter les écarts de rémunération en imposant un écart de rémunération de 1 à 20 entre la rémunération des PDG et le salaire médian. Accélérer les efforts en matière de réduction des écarts de salaires entre les femmes et les hommes en réformant l’index pour l’égalité professionnelle et en introduisant des éga-conditionnalités dans les subventions, autorisations et marchés publics. Revoir la conception des rémunérations des dirigeant.e.s en supprimant les critères de rémunérations boursiers et privilégier les critères de rémunération extra-financiers, notamment sociaux et climatiques, en les fixant a minima 50%. Aller plus loin en conditionnant les rémunérations variables à l’atteinte de certains objectifs sociaux et environnementaux. Réformer la gouvernance dépassée des grandes entreprises françaises en renforçant la représentation des salarié.e.s au sein des Conseil d’Administration ou Surveillance, en tenant compte de la diversité géographique des effectifs du groupe tout en revoyant la part des représentant.e.s salarié.e.s présents aux CA. Conditionner la rémunération de la ou du PDG et des administrateur.tice.s des Conseils d’Administration et de Surveillance à des objectifs climatiques et socio-économiques. Utiliser la fiscalité comme outil de justice sociale dans la redistribution des richesses en entreprise en supprimant la flat tax tout en réalignant la fiscalité du capital sur la fiscalité du travail. |