Et notre communiqué de presse :
Entreprises françaises et COP21 : derrière les effets d’annonce, des actions et des résultats discutables
Si les entreprises françaises ont choisi de beaucoup communiquer autour de la Conférence climat de Paris, les politiques qu’elles mettent concrètement en place pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre restent insuffisantes et fragmentaires, comme le montre un nouveau rapport publié ce jour par le Basic [1] et l’Observatoire des multinationales [2].
Le 27 novembre, un groupe de 39 entreprises françaises ont rendu public un « manifeste pour le climat » [3] où elles se prévalent des engagements qu’elles ont déjà pris et qui sont censés les placer à l’avant-garde de la société civile dans la lutte contre le dérèglement climatique.
S’appuyant sur une analyse détaillée des politiques de réduction des émissions de carbone d’une sélection de dix entreprises françaises sponsors officiels de la COP 21 (Accor, BNP Paribas, Carrefour, EDF, Engie, Kering, L’Oréal, LVMH, Michelin et Renault), le rapport Gaz à effet de serre : doit-on faire confiance aux grands groupes pour sauver le climat ?, publié aujourd’hui, met en lumière une réalité bien différente.
Seule une minorité de ces entreprises calcule et déclare ses émissions de gaz à effet de serre de manière transparente et cohérente ; peu d’entre elles évaluent leur empreinte carbone totale depuis les matières premières jusqu’à l’usage de leurs produits. Aucune n’a construit de stratégie globale et vérifiable de réduction de ses émissions sur l’ensemble de sa chaîne de valeur ; plusieurs se cantonnent à des actions ponctuelles sur une proportion restreinte de leurs filières. Et une seule entreprise du panel, EDF, semble réduire ses émissions de gaz à effet de serre en ligne avec les objectifs globaux fixés par la France et l’Union européenne – en partie pour des raisons conjoncturelles. En contrepoint, plusieurs entreprises continuent à augmenter leurs émissions d’année en année.
« Si les grands groupes que nous avons analysés font des efforts indéniables, les résultats ne semblent ni à la hauteur des enjeux, ni à la mesure du pouvoir économique qu’ils ont acquis dans leurs secteurs respectifs », estime Sylvain Ly du Basic.
« Les entreprises françaises, à commencer par EDF et Engie, communiquent à outrance sur leur engagement pour le climat, et le gouvernement français a choisi de leur donner une place éminente dans la COP21, poursuit Olivier Petitjean de l’Observatoire des multinationales. L’étude réalisée par le Basic constitue une des rares tentatives de les prendre au mot et d’aller voir ce qu’il y a concrètement derrière ces beaux discours. »
Des réductions d’émissions en surface
Plus généralement, l’étude soulève plusieurs questions de fond sur les stratégies privilégiées par les entreprises, qui amènent à douter de leur efficacité réelle. Souvent, la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à leurs propres activités cache une externalisation de ces émissions en amont de leur chaîne de valeur, en particulier vers les pays émergents. « Contrairement aux apparences, les émissions carbone de l’Union européenne ont très peu diminué depuis 1990, car nous importons toujours davantage de produits, qui génèrent des émissions croissantes et non comptabilisées, explique Christophe Alliot du Basic. De même, à une autre échelle, suivre les émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise isolément de ce que cette dernière génère en amont, mais aussi en aval, revient à se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt.»
Nombre de firmes continuent également de recourir à la « compensation » pour parvenir à la « neutralité carbone » (par exemple en finançant des projets de reforestation), alors que les bienfaits réels de ces mécanismes sont de plus en plus sujets à caution. Pour réduire leurs émissions à long terme, elles paraissent compter sur de futures « technologies de rupture » hypothétiques (comme la capture-séquestration du carbone), problématiques (comme le nucléaire) et/ou insuffisantes (comme la voiture électrique).
Le rapport conclut qu’aucune des entreprises de l’étude n’est en capacité d’apporter des solutions à la hauteur de l’enjeu climatique. Ni l’externalisation des émissions, ni leur compensation, ni la croyance en des sauts technologiques, ne peuvent remplacer un véritable ‘découplage’ entre production et émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire la capacité d’une entreprise à vendre plus [de produits, de services] tout en émettant moins de gaz à effet de serre sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Or en l’absence de découplage, il est illusoire de penser que ces entreprises renonceront d’elles-mêmes à accroître leurs activités – leur raison d’être – pour réduire les volumes de gaz à effet de serre qu’elles contribuent à rejeter dans l’atmosphère chaque année.
C’est pourquoi, si l’engagement des grands groupes est nécessaire, il ne peut se substituer à l’action et la régulation publiques, indispensables pour mener les transformations sociales et économiques structurelles nécessaires à la réduction de nos émissions à court terme.
Rapports consultables ici :
Contacts presse :
Sylvain Ly, 06 23 36 10 96, sylvain@lebasic.com et Christophe Alliot, 06 61 64 24 49, christophe@lebasic.com;
Olivier Petitjean, 06 08 27 39 89, opetitjean@multinationales.org
[1] Le Basic : http://www.lebasic.com
[2] Observatoire des multinationales : http://multinationales.org
[3] http://www.solvay.fr/fr/binaries/French%20Business%20Climat%20Pledge%20FR%20FINAL-253116.pdf