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📌 La forte hausse des prix du cacao déstabilise la filière et n’est pas forcément synonyme de durabilité.
🍫 Le cours du cacao sur les marchés internationaux est à un niveau historiquement élevé depuis plusieurs mois. Il oscille depuis le début de l’année entre 7 500 et 11 000 euros la tonne de chocolat, selon l’indice composite publié par l’International Cocoa Organization (ICCO), une organisation intergouvernementale. C’est trois à quatre fois plus que durant l’année 2023.
À première vue, c’est une bonne nouvelle pour les producteurs et productrices de cacao, l’occasion de tirer enfin un revenu décent de cette matière première si prisée. Mais attention à ne pas laisser le cacaoyer masquer une forêt de problèmes et d’incertitudes.
🌡️ D’abord, la hausse des prix actuels est essentiellement une conséquence d’un phénomène grave : le changement climatique. Il perturbe les saisons et la pluviométrie, rendant les récoltes incertaines. La production en pâtit – ce qui limite l’impact de la hausse des prix sur les revenus – et les stocks sont en baisse depuis trois ans. Confrontés à ce bouleversement majeur, les producteurs et productrices sont assez largement démunis. Il s’agit de petits agriculteurs ne possédant pas ou peu d’épargne et de capacité d’investissement.

Le prix du cacao sur les marchés internationaux n’est pas le prix payé aux producteurs et aux productrices. En effet, la filière compte parfois de nombreux intermédiaires entre les cacaoculteurs et les négociants. En Côte d’Ivoire et au Ghana, qui représentent plus de la moitié de la production mondiale de cacao, le prix payé aux producteurs de cacao est par ailleurs réglementé. Il est fixé par les autorités avant la grande récolte (octobre-décembre). Ce prix a plus que doublé en cinq ans, passant de 850 francs CFA (1,29 euro) en octobre 2019 à 1 800 francs CFA (2,70 euros) en octobre 2024 (l’inflation sur la période a été d’environ 22 %). Ce prix garanti, qui sécurise les producteurs et les productrices, ne permet donc pas de tirer entièrement parti d’une flambée des cours survenant après que le prix a été fixé. La flambée des prix ne bénéficie pas nécessairement non plus aux États ivoirien et ghanéen qui sont contraints par leur rapport de forces avec les grands acteurs du négoce international.
🏴☠️ Pour contourner les prix garantis se développe un phénomène de contrebande avec des fèves de cacao ivoiriennes transitant par exemple par le Liberia ou la Guinée, deux pays voisins où le prix du cacao n’est pas réglementé et où la manœuvre permet de bénéficier davantage de la hausse des prix mondiaux. Alors que la production est déjà en baisse, ce cacao qui disparaît du circuit d’approvisionnement traditionnel rend l’achat de cacao plus difficile pour les coopératives et participe à une déstabilisation de la filière. Il n’est à terme pas favorable aux cacaoculteurs.
🎢 Un autre facteur risque de déstabiliser la filière : les prix ne sont pas seulement en hausse, ils sont très fluctuants. L’imprévisibilité des cours ne permet pas de prendre des mesures de long terme (comme des investissements pour rendre la filière plus durable) et incite à la minimisation des coûts de production. Elle pousse également les producteurs à privilégier un travail familial, y compris des enfants, plutôt qu’à embaucher des salariés.
🌴 Face aux incertitudes que fait planer le changement climatique, l’agroforesterie semble toutefois être une solution prometteuse. L’association d’arbres et de cultures sur une même parcelle offre une protection contre les fortes chaleurs, améliore la qualité des sols, permet une meilleure résistance aux maladies et la diversification des cultures qui accompagne ce modèle peut offrir une plus grande stabilité aux agriculteurs et aux agricultrices : ce qu’ils produisent en complément du cacao peut leur permettre de se nourrir et/ou de diversifier leurs revenus.
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NB : Cet article a été modifié par rapport à la version envoyée dans notre newsletter afin d’introduire une précision sur l’évolution du prix garanti versé aux producteurs et productrices de Côte d’Ivoire et du Ghana.
Photo : King Bangaba / Wikimedia Commons.