Questions agricoles : le numérique, une solution en trompe-l’œil pour relever les défis de l’agriculture ?

À l’approche du Salon de l’agriculture, le BASIC publie une série d’articles pour mieux comprendre les débats actuels.

Capteurs pour mesurer l’état des cultures ou des animaux, services d’analyse des données météo par intelligence artificielle, robots… Les outils numériques qui se développent dans le secteur agricole promettent une gestion plus efficace, un travail moins pénible ou encore un usage d’intrants rationalisé. La numérisation de l’agriculture s’accompagne cependant d’effets dommageables, comme le montre notre étude de 2021 pour la Fondation Daniel et Nina Carasso.

L’adoption des outils numériques est d’abord le fait des exploitations les plus grandes, celles qui ont la capacité d’amortir ces investissements élevés. Ce sont également celles qui emploient le plus de main-d’œuvre et adoptent un modèle agricole patronal, laissant à la personne qui les dirige du temps pour étudier les solutions technologiques disponibles, voire se payer un accompagnement.

Par ailleurs, les promesses des solutions numériques sur l’amélioration des rendements et l’optimisation des coûts séduisent particulièrement les acteurs du modèle agricole patronal.

Ce faisant, la numérisation accélère à son tour la tendance à l’agrandissement des fermes (et à la forte diminution de leur nombre total). En effet, le propriétaire n’a plus besoin de se déplacer sur l’ensemble de son exploitation grâce aux équipements pilotables depuis son bureau ; il peut gérer un plus grand nombre d’employé·es dont le travail peut être contrôlé à distance, et il est incité à produire plus pour rentabiliser les coûts fixes de ses investissements numériques.

Il est donc logique de retrouver, derrière les principaux outils numériques proposés aux agriculteur·trices, les multinationales qui fournissent engrais, machines et pesticides, ainsi que les spécialistes du négoce, qui incitent à la production en masse de matières premières standardisées. L’une des principales entreprises du marché de l’agriculture numérique est le groupe agrochimique Bayer, qui a racheté Monsanto et ainsi acquis son performant outil d’aide à la décision ClimateField.

Leurs outils numériques ne font pas que conseiller les agriculteur·rices, ils les orientent vers certains modèles et renforcent la relation de dépendance à ces fournisseurs qui disposent déjà d’un grand pouvoir de négociation. Ces derniers peuvent désormais s’approprier les données des agriculteur·rices pour les valoriser ou les revendre. Sans compter les impacts écologiques de ces nouveaux objets numériques et la dépendance vis-à-vis des pays qui ont la main sur les technologies (IA…) ou sur les métaux stratégiques indispensables à leur fabrication.

Lire notre étude :

Lire les autres articles de notre série « Questions agricoles » :

 

Photo : HDIGITAG / Wikimedia Commons.

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