Analyse de la création et de la répartition de la valeur dans la filière bovin lait française

À qui profite la filière du lait ? Alors que les prix des produits laitiers achetés en magasins ont connu une inflation de 27 % depuis fin 2021 – en comparaison de 20 % pour le reste des produits alimentaires – le nombre d’exploitations et de vaches laitières ne cesse de diminuer, avec sur l’année écoulée une baisse inégalée depuis plus de 20 ans. 

Comment expliquer qu’au moment où la filière laitière crée une valeur sans précédent, le métier d’éleveur soit en pleine désaffection ? Pour répondre à cette question, la Fondation pour la nature et l’homme a mandaté le Basic avec pour mission d’investiguer les enjeux de répartition de la richesse au sein de la filière laitière française et de rémunération des éleveurs. L’objectif étant in fine de mieux appréhender les moyens nécessaires à la transition écologique et sociale du secteur. 

 Les bénéfices de la filière lait sont de plus en plus engrangés par les acteurs de l’aval

Les bénéfices des plus grandes entreprises de la transformation et de la distribution de la filière lait ont augmenté de 61 % entre 2018 et 2021. 

Surtout, sur les 842 millions d’euros de bénéfices nets engrangés en 2021 par l’aval de la filière, 83 % sont en fait à destination des industries laitières.  

Évolution des bénéfices des distributeurs et des entreprises agroalimentaires entre 2018 et 2021, vis-à-vis des éleveurs.
Source : Données ESANE, RICA  et OFPM, traitement BASIC dans FNH, Filière laitière : mieux partager la valeur pour assurer un élevage durable en France, novembre 2023.

Un pouvoir de négociation en défaveur des agriculteurs, du fait de la concentration des acteurs de la transformation et de la distribution  

Sur les 1 292 entreprises de transformation laitière, 3 % des entreprises de la transformation réalisent 97 % des bénéfices du maillon industrie laitière.

Sur l’ensemble des produits laitiers, le top 3 des entreprises de transformation en produit entre la moitié et les trois quarts des volumes.

Part de volumes produits par le top 3 des industries laitières, en 2019.
Source : Données FranceAgriMer, traitement BASIC dans FNH, Filière laitière : mieux partager la valeur pour assurer un élevage durable en France, novembre 2023.

En vis-à-vis de cette concentration de la fabrication des produits laitiers chez quelques groupes, les cinq enseignes de la grande distribution concentrent 82 % des ventes de produits alimentaires en 2023.

Le poids de la grande distribution est d’autant plus fort que 43 % de la valeur des produits laitiers vendus revient à des marques distributeurs de ces mêmes enseignes.

Paupérisation des éleveurs et double passage en caisse pour le consommateur/contribuable 

Face à cette double concentration, les éleveurs sont en position défavorable pour valoriser leur prix du lait en conventionnel (environ 82 % du lait collecté en 2021). Sur le temps long, on constate que leurs coûts de production sont généralement à peine couverts, en dépit des réformes et quelle que soit la fluctuation du prix du lait.

Les éleveurs ont ainsi gagné en moyenne entre 22 400 et 33 000 euros brut par an pour 58 heures de travail hebdomadaire, soit un revenu net de l’ordre de 0,6 à 0,9 SMIC par heure travaillée sur la période 2011-2021.

Part des subventions dans le résultat d’exploitation des exploitations laitières de 2011 à 2019, et équivalent SMIC horaire net.
Source : RICA dans OFPM, 2022, traitement BASIC. 

 Les autres grands perdants de la filière sont les consommateurs, qui passent finalement deux fois en caisse :  

  • une première fois via leurs achats de produits laitiers, à l’origine d’un chiffre d’affaire global de 17,5 milliards pour le secteur en 2021 ;
  • une seconde fois via leurs impôts qui financent les subventions allouées aux éleveurs pour soutenir leur revenu en 2021, faute d’une rémunération suffisante de la part de l’industrie et de la distribution (1,6 milliard d’euros en 2021).

Vous pouvez accéder au rapport de recherche du Basic ici.

Le rapport synthétique de la FNH est accessible ici.

Vous pouvez également consulter la précédente étude Basic et FNH sur les filières bovin lait et bovin viande et les politiques publiques leur permettant de sortir de l’impasse.

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